le frigo

Publié le par marie

Je date mon premier rapprochement de la philosophie du jour où je m’inquiétai de la vie intérieure du frigo, au moment précis où je fermais sa porte. Tout me disait que la lumière s’éteignait. Mais ensuite, qui pouvait m’assurer que les choses à l’intérieur n’entraient pas dans une danse folle ? Entrait en moi le doute de la stabilité, de la constance et de la normalité de l’habitude. Une fois la porte fermée, je ne faisais qu’imaginer qu’il se poursuivait ce qui se passait d’habitude, mais rien ne me l’assurait, je ne pouvais en faire l’expérience, et je restais, troublée l’oreille plaquée pour essayer d’entendre les bruits de cette fête de l’indépendance du regard. Je faisais semblant de croire la rationalité des rires moqueurs de mes frères. Je restais au fond persuadée qu’ils ne savaient pas plus que moi ce qui se passait dans un frigo la porte fermée. Je grandissais en me méfiant de leur certitude scientifique, voyant très vite qu’elle ne servait qu’à leur alliance objective. Au rire moqueur répondait le rire défiant, mépris contre mépris.

J’étudiai patiemment le mécanisme de fermeture et tentai le subterfuge qui consistait à appuyer sur le petit clapet blanc : la lumière s’éteint, tout reste immobile ; ils se sont rendus compte que j’étais encore là ; et n’osent pas bouger…

Plus tard j’imaginais une porte vitrée pour le frigo du futur, « de l’an 2000 ».

Puis vint le moment où je préférai ne pas savoir, où je me sentis forte de la question plus que de la réponse : de l’investigation enfantine je passai au romantisme adolescent,

Je gardai le côté des questions.

 

 

 

 

 

 

Le premier jour où Vanesa est venue chez mes parents, elle a cassé la poignée du frigo. On ne pouvait plus l’ouvrir. Personne ne savait bien ce qui se passait à l’intérieur, de nous tous ; là encore on ne cherchait pas trop la réponse.

Publié dans suite informe

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